L'exosquelette de Somanity

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L’histoire de Somanity commence il y a trois ans, lors d’un apéro entre amis. Depuis qu’il est atteint d’une sclérose en plaques, Sébastien est cloué sur un fauteuil roulant. « Pour moi, le seul moyen de remarcher un jour, ce serait d’avoir un exosquelette », glisse-t-il à son ami Mathieu Merian. Problème : les exosquelettes coûtent cher, très cher. Comptez 150 à 250 000 euros pour en avoir un. Mathieu a 19 ans. Il vient de plaquer son DUT Génie électrique pour rejoindre le programme Global BBA de SKEMA Business School et est aussi à la tête de My3D, une société spécialisée dans l’impression 3D. Il a cette insolence de la jeunesse qui ne craint pas les défis vertigineux, et la candeur de vouloir rendre le monde meilleur. Lui vient alors une idée un peu folle : celle de fabriquer le premier exosquelette imprimé en 3D, afin de permettre à toute personne atteinte de handicap moteur de pouvoir à nouveau marcher, courir, prendre les escaliers… Bref, revivre normalement et retrouver le plein contrôle sur son corps, le tout pour moins de 10 000 euros de reste à charge.

Ce qui aurait pu rester une idée en l’air, lancée sous le coup de l’ivresse, s’est concrétisé avec la création d’une société : Somanity. Trois ans plus tard, la start-up a su convaincre des investisseurs, dispose d’un premier prototype fonctionnel et prévoit de commercialiser son exosquelette d’ici à fin 2025. Car que l’on ne s’y trompe pas : Mathieu Merian a toute l’expertise et la détermination nécessaire pour faire de ses idées une réalité.

© Lora Barra – SKEMA Business School pour Somanity

L’enjeu : concevoir un exosquelette abordable et désirable

La vocation de Somanity est simple : lancer un nouveau prototype d’exosquelette permettant à toute personne atteinte de handicap moteur de pouvoir remarcher, pour un prix compris entre 10 et 20 K€. Mue par la volonté de réduire l’ensemble des coûts dans le domaine médical, Somanity cherche ainsi à diviser par 10 le prix d’un exosquelette, en misant notamment sur l’impression 3D. Mais ses ambitions ne s’arrêtent pas là : la start-up cherche également à rendre ses exosquelettes aussi désirables qu’un smartphone dernier cri.

« Nous avons fait des ateliers de co-conception avec APF France handicap, pour savoir ce que les personnes concernées voulaient pour leur exosquelette. Un homme atteint d’un handicap moteur nous a dit : « Je veux un exosquelette qui donne envie aux gens d’être handicapés ». C’est ce qu’on essaye de faire, avec un dispositif médical qui ne ressemble pas à un dispositif médical », raconte Mathieu Merian fondateur et CEO de Somanity. Concrètement, cela se traduit par un design ergonomique et moderne, pour un exosquelette disponible en plusieurs coloris, aux allures futuristes et définitivement technologiques. « L’impression 3D nous permet de faire des choses qu’on ne peut pas faire normalement au niveau du design ou du moins d’avoir une rapidité d’action sur ces designs », précise Mathieu Merian.

Une motorisation dédiée aux exosquelettes, livrée en un temps record

Les premiers prototypes ont vu le jour en juin 2023. Somanity s’est ensuite mis en quête d’un partenaire pour la partie motorisation. « J’ai benchmarké les différents moteurs disponibles et je suis tombé sur un document de maxon consacré aux moteurs pour exosquelettes. Je les ai donc contactés », se souvient Mathieu Merian. Si maxon ne dispose alors pas de produit standard à proposer sous 48h, Somanity tombe tout de même bien, car la BU médicale de maxon Suisse vient justement de réaliser un concept pour exosquelette : un ensemble appelé « Exoskeletton drive » constitué d’un moteur EC90 Flat, d’un réducteur, d’un codeur et d’une carte électronique, tout intégré. « En moins de 15 jours, nous avons été capables de livrer à Somanity ce dispositif tout-en-un dédié aux exosquelettes. Ce dispositif concept intègre suffisamment de performances pour permettre à des structures en début de projet de caractériser plus finement leurs besoins », explique Virginie Mialane-Lacroix, chef de marché médical maxon France. La start-up a ensuite pu compter sur le support technique de maxon pour intégrer au mieux ce produit.

«Nous avons l’habitude de travailler avec d’autres start-up, mais rares sont celles qui ont un tel niveau de maturité à ce stade du projet.»

Time-to-market restreint et lucidité quant au marché

 « Les produits maxon sont très bien documentés et nous avons bénéficié d’un excellent support technique, si bien qu’en moins d’un mois, le premier moteur était implémenté. Avant fin août, nous avons commandé les moteurs restants pour implémenter toutes les jambes et début janvier nous avons intégré le moteur pour faire le dernier degré d’ouverture au niveau de la hanche », raconte le CEO de Somanity.

« Les 6 premiers mois de cette collaboration ont été hyper performants. Nous avons l’habitude de travailler avec d’autres start-up, mais rares sont celles qui ont un tel niveau de maturité à ce stade du projet. Somanity se caractérise par sa détermination et son identification très claire du besoin et des moyens qui accompagnent ce besoin », confie volontiers Virginie Mialane. La start-up est en effet consciente que le produit actuellement proposé par maxon n’est pas encore optimal, mais sait que des améliorations pourront être apportées plus tard. Et Virginie Mialane-Lacroix de poursuivre : « C’est un axe très différenciant, le fait d’accepter les limites actuelles, tout en étant focus sur l’essentiel. A savoir : faire un démonstrateur qui fonctionne, dans les temps et les budgets impartis ».

De son côté, Somanity se réjouit d’avoir un partenaire qui comprend les enjeux de réactivité d’une start-up. « Le fait de pouvoir passer un coup de téléphone, de faire un virement et d’avoir le moteur une semaine après ça n’a pas de prix. Avoir des ingénieurs à l’écoute, qui répondent à nos questions et guident nos choix techniques, non plus », assure Mathieu Merian.

Une fois la partie mécanique validée, Somanity a pu finaliser son design. A date, - février 2024 -, Somanity dispose d’un prototype final. Sébastien, l’ami de Mathieu atteint d’un handicap moteur, va pouvoir commencer les premiers tests en mars.

© Lora Barra – SKEMA Business School for Somanity

Du médical au spatial : les exosquelettes de Somanity voient loin

Pour répondre à ses enjeux de time-to-market, Somanity a fait le choix de sortir une première version de son exosquelette en tant que dispositif médical de classe 1. Une seconde version plus puissante, enrichie en fonctionnalités et technologies embarquées, pourra ensuite voir le jour en tant que dispositif médical de classe 2A.

Mais les exosquelettes de Somanity ne se limitent pas au domaine médical ! « On a un partenariat avec l’Agence Spatiale Européenne (ESA) pour la fabrication d’exosquelettes de génération gravitationnelle. L’objectif, c’est de faire croire au corps qu’au niveau de la gravité il est sur Terre, tout en gardant la liberté d’être en zéro gravité dans une station spatiale internationale », explique le CEO de Somanity. L’intérêt ? Limiter la perte de masse musculaire et de densité osseuse, tout en épargnant aux astronautes de longues heures passées à faire du sport.

© Lora Barra – SKEMA Business School for Somanity

IHM et IA : des développements à venir enthousiasmants

Actuellement, l’interface homme-machine (IHM) de l’exosquelette se résume à un écran et un joystick. A terme, Somanity entend proposer une IHM similaire à celle des écrans dans les voitures, avec l’affichage de l’environnement, la possibilité de mettre à jour son exosquelette, l’accès à des données en temps réel... « L’objectif final c’est toujours le confort utilisateur. A terme, - lorsque la technologie sera opérationnelle - on aura aussi du pilotage cérébral », confie le CEO. D’ici à 2028, Somanity entend également intégrer à son exosquelette un assistant empathique, pour prévenir la souffrance psychique des utilisateurs et pallier le manque de professionnels de santé. « Avec ces technologies basées sur l’IA, il devient possible de soulager le travail des soignants tout en améliorant la vie des patients », précise Mathieu Merian.

En plus de faciliter la liberté de mouvement, l’exosquelette présente l’avantage de verticaliser la personne jusque-là en fauteuil roulant, de la remettre à hauteur de ses interlocuteurs, droit dans les yeux et plus à hauteur d’enfant. « Il est arrivé que des gens parlent à mon ami comme à un débile mental, tout ça parce qu’il est en fauteuil. Verticaliser les gens, ça permet de faire sauter un verrou psychologique ! », assure le CEO de Somanity. « En plus de l’impact psychologique, il y a un impact psychomoteur et physique : le recours aux exosquelettes permet de lutter contre les effets secondaires de la position assise », complète Virginie Mialane-Lacroix de maxon France.

Levée de fonds en cours

Des développements faits par l’humain, pour l’humain : toute la philosophie de Somanity tient en ces mots. Pour atteindre ses objectifs, la start-up cherche à lever 2 à 4 millions d’euros en 2024. Ces fonds lui permettraient notamment de se positionner sur le marché américain. « Nous cherchons des investisseurs prêts à nous accompagner, car nous sommes conscients que la levée de fonds s’accompagnera de son lot de changements au niveau des équipes », précise le CEO. La start-up espère ainsi trouver des investisseurs alignés avec la dimension humaine de son projet, capables de l’accompagner notamment au niveau des validations médicales et de la rédaction des SMQ.

© Lora Barra – SKEMA Business School pour Somanity

Se dirige-t-on vers un futur futuriste, où les personnes handicapées feront des envieux dans leurs exosquelettes high-tech ? « Beaucoup de gens trouvent ça super que nous développions des exosquelettes. Mais c’est super triste en fait, car c’est parce que les lieux de vie ne sont pas adaptés aux personnes en fauteuil que nous sommes obligés de le faire. Honnêtement, j’espère qu’un jour j’arrêterais de vendre des exosquelettes parce qu’on saura faire remarcher les gens avec une opération. Ce jour-là, je ne serai pas du tout triste d’avoir perdu une boîte », assure Mathieu Merian, le CEO de Somanity.

En savoir plus : www.somanity.com